Animal, le docu qui vous gagne
Le 21/12/2021
Le dernier documentaire de Cyril Dion, Animal, transporte. Aux quatre coins du monde comme au bout de nos émotions. En salle le 1er décembre, il remet en cause notre rapport au vivant en 1 h 45 d’enquête, de beauté et d’espoir. Et Biocoop soutient !
propos recueillis par Gaïa Mugler
Après le succès de Demain, Cyril Dion repart à la recherche des solutions, toujours avec des prises de vues à couper le souffle et cette capacité à remuer tant les méninges que le cœur. À travers le regard de deux jeunes de 16 ans, la Londonienne Bella Lake et le Français Vipulan Puvaneswaran, activistes de la cause animale et écologique, Animal nous suggère, comme le dit Bella, de « se considérer comme des animaux ».
En investiguant sur les causes de la sixième extinction de masse, ce sont les victoires de celles et ceux qui travaillent à régénérer la Terre qu’ils découvrent. De la ferme du Bec Hellouin en Normandie aux parlementaires européens cyniques, de la pollution due au plastique à la lutte citoyenne, pédagogique et juridique d’Afroz Shah en Inde, de l’expérience de Jane Goodall (voir p. 53) à celle de l’économiste Éloi Laurent (lire Culturesbio n° 118, sur biocoop.fr), de la déforestation jusqu’aux indigènes du Costa Rica, pays reboisé à 50 % en moins de 45 ans, tous les freins au changement, mais surtout tous les moteurs, sont explorés.
Animal est le récit de nos relations et de leur pouvoir. C’est surtout une invitation à changer notre rapport au monde, à « nous changer plutôt que changer la planète », comme l’espère Bella. À agir, à notre tour.
Rencontre avec Vipulan Puvaneswaran
Qu’est-ce qui t’a amené à participer à Animal ?
Aux grèves pour le climat, j’ai croisé plusieurs fois Cyril Dion. Et il y a deux ans, il m’a proposé de participer au film. J’ai hésité, à cause de l’avion, mais la finalité étant positive, j’ai accepté. Et je ne regrette pas !
Qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?
La reforestation du Costa Rica, qui ne relevait pas de plantations monoespèces comme en France. Et la rencontre avec le philosophe Baptiste Morizot, qui propose de repenser le monde en termes de relations, ça m’inspire encore aujourd’hui ! Ses livres Manières d’être vivant et Les Diplomates sont dans mon top 4 avec Le capitalisme dans la toile de la vie de Jason Moore et Apprendre à voir d’Estelle Zhong Mengual.
Un impact indirect du film sur toi ?
J’étais environnementaliste et je suis devenu écologiste ! Autrement dit, je ne considère plus la lutte pour le climat comme supérieure. Vouloir protéger une nature vue comme extérieure à soi, c’est l’héritage du cartésianisme qui sépare nature de culture, c’est être « adversaire complice », pour reprendre Bourdieu, de l’idéologie capitaliste qui voit la nature comme une matière inerte à exploiter. Le terme urgence climatique introduit même un biais performatif en ce qu’il insère une hiérarchie des luttes. Or à présent, être vraiment écologiste, c’est combattre toutes les oppressions. Il faut reprendre l’écologie dans son étymologie : science qui étudie le vivant dans son milieu de vie. Penser en termes de relations, en somme.
Le film t’a-t-il inspiré des pistes d’action que tu privilégies désormais ?
La création d’espaces écolos, comme la ferme du Bec Hellouin. Des espaces de relations libérées et libératrices entre humains, et entre humains et non-humains, comme des Zad, le plateau de Saclay, un site de permaculture, un squat. À Paris, ce sera par exemple lutter contre la gentrification et la bétonisation amenées par les JO, contre l’expulsion des jardins d’Aubervilliers… Comme diraient Antoine Chopot et Léna Balaud dans leur livre Nous ne sommes pas seuls, l’idée est de s’ancrer dans le territoire et créer des espaces de sens pour toute la communauté des vivants.
Ton rapport aux animaux, c’est…
Me « repenser en tant que vivant parmi les vivants », comme dit Baptiste Morizot. Voir et comprendre que je ne suis pas tout seul sur un territoire donné, sur Terre. Si je vois une laissée de loup, je pense d’abord que je suis sur son territoire. Cesser de mettre le vivant dans des cases et des cages. Mais je ne suis pas antispéciste* dans le sens de Singer, fondateur du courant, dans sa conception historique.
Je parlerais plus volontiers du multispécisme d’Anna Tsing, comme Morizot, qui propose d’ajuster les égards plutôt qu’une stricte égalité qui, quelque part, impose des cases et des cadres purement théoriques. Quant à l’injonction à « se réapproprier notre animalité », elle est problématique car on a employé la sémantique du sauvage et de l’animalité pour rabaisser une part de la population. Je préfère inviter à « redevenir un vivant parmi les vivants ».
* Philosophie qui considère que tous les êtres vivants sont égaux et doivent être traités comme tels.
Vipulan Puvaneswaran et Bella Lake contemplent, émus, des animaux sauvages en Afrique, lors du tournage il y a deux ans.
Allez plus loin :
En attendant la sortie du film, découvrez… Des avant-premières sur animal-seances.com et un site pour suivre son actu |